L’accord signé par l’Union européenne et la Mauritanie ce jeudi 8 février doit officiellement développer les relations économiques. Cependant, c’est pour officieusement bloquer les migrants que Nouakchott va recevoir de l’argent européen.
Officiellement, c’est un accord sur les relations économiques entre la Mauritanie et l’Union européenne. Mais le déplacement de Ursula von der Leyen, du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez et d’Hans Leitjens, le directeur de l’agence de contrôle des frontières européennes Frontex, dit autre chose. C’est bien un accord pour stopper le flux migratoire vers l’Europe que les dirigeants Européens sont allés chercher à Nouakchott.
La Mauritanie est un des pays du Sahel les plus stables dans cette région gangrenée par les attaques djihadistes. Le pays accueille actuellement 150 000 réfugiés ayant fui l’insécurité régnant au Mali et est devenu un pays de transit pour rejoindre l’Europe. « La Mauritanie est un pays de transit qui connaît aussi une augmentation des départs de migrants depuis sa côte vers l’Espagne », explique Camille Le Coz, directrice associée au centre de recherche Migration policy institute et membre du réseau Désinfox migrants.
L’ex-général et président (depuis 2019) Mohamed Ould el-Ghazouani recevra pour son pays de nombreux fonds européens. 22 millions d’euros de plus pour son armée, le financement d’un grand projet routier le long de la côte entre Nouakchott et Nouâdhibou (deuxième ville du pays) ainsi que celui d’une ligne à haute tension de 1 400 km, allant de la capitale à Néma dans l’Est, avec une centrale solaire à Kifa. Surtout, la Mauritanie va recevoir 210 millions d’euros pour la gestion des flux migratoires vers l’Europe.
« La question qui se pose est de savoir les conséquences pour les migrants non mauritaniens : seront-ils renvoyés vers leurs pays ou pourront-ils rester sur place si leur bateau est intercepté ? », s’interroge Camille Le Coz. « Comme pour le Niger, il va être demandé aux autorités de Mauritanie de démanteler les réseaux locaux de passeurs. »
Rappelons que la Commission a signé en juillet 2023, en présence des chefs de gouvernements italien et néerlandais (Giorgia Meloni et Mark Rutte) un accord similaire à Tunis avec le même vocable qu’avec la Mauritanie,« partenariat stratégique » . Officiellement pour développer l’économie locale. Cependant, le président tunisien Kaïs Saied a rejeté en octobre les 127 millions d’euros de l’UE. Car les Européens n’amenaient en réalité que la moitié de cet argent, l’autre partie étant la réaffectation de crédits déjà prévus.