En Côte d’Ivoire, plus précisément à Abidjan, la multiplication des crèches et des garderies est une aubaine pour des femmes, traditionnellement assignées aux tâches domestiques, à entrer sur le marché du travail.
Selon le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, il existe 254 crèches et garderies privées dans tout le pays dont 203 à Abidjan, contre 174 l’année dernière. Près de 300 structures publiques viennent s’y ajouter, également en augmentation.
Dans le quartier huppé de Cocody, Chimène Guissou, 31 ans, vient de déposer sa fille Neriah, âgée de 2 ans, à la garderie Baby Joy. « Ça permet de souffler », lance-t-elle. « C’est ma fille, mais souvent je suis à bout. »
Après son accouchement, elle avait dû se résoudre à délaisser les petits boulots qu’elle occupait pour s’occuper de son enfant. Aujourd’hui, elle profite des temps de crèche pour chercher à nouveau un travail.
« C’est un soulagement pour les femmes de mettre leurs enfants à la crèche, ça leur permet de vaquer à leurs occupations, d’être beaucoup plus épanouies dans leur travail, d’être beaucoup plus soulagées sur le plan physique, moral aussi« , assure à l’AFP Johana Yoboué, directrice de la crèche Baby Joy, ouverte en 2018.
Le nombre de femmes ivoiriennes sur le marché du travail est lui aussi en augmentation: 51% en 2022 contre 46% l’année d’avant, selon les chiffres officiels, toutefois plus bas que le nombre d’hommes (81%).
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Et si une écrasante majorité d’entre elles exercent encore dans le secteur informel, de plus en plus occupent des postes salariés.
Le nombre de crèches et garderies reste cependant encore faible pour les 4 millions d’enfants âgés de moins de 6 ans, âge à partir duquel l’école est obligatoire.
Quand ils ne sont pas gardés par un parent, les petits sont confiés à des nourrices à domicile ou des membres de la famille.
« Les gens préfèrent prendre une nounou qui s’occupe aussi de la maison, de la lessive, du ménage, et les enfants en pâtissent », regrette Salimata Bambara, directrice de la crèche privée Sally Kids Care, ouverte cette année dans le quartier populaire de Yopougon.
Parfois peu diplômées, ces nourrices « ne connaissent pas l’importance des premières expériences de l’enfant, d’un environnement stimulant ».
Dans la cour colorée de la garderie Baby Joy, Fatoumata Bamba dépose sa fille de 2 ans et demi. Ici, Anissa apprend des mots et des chiffres ou partage des jeux de construction avec ses camarades.
« Au moins je suis sûre qu’elle a l’éducation qu’il faut », dit Mme Bamba, juriste, qui se trouve « plus paisible et productive au boulot ».
– Manque de personnel qualifié –
Quelques établissements publics de formation existent dans le pays, auxquels s’ajoutent une poignée de structures privées, dont l’École de formation aux métiers de la petite enfance qui délivre chaque année une certification pour une centaine de personnes.
A sa création en 2019, « on a constaté que les crèches et garderies étaient en manque de personnel et que le personnel n’avait aucune qualification », affirme le chargé de formation de l’école, Omer Boua Boidi.
Pour établir les programmes, l’école s’est inspirée d’établissements étrangers, précise M. Boua Boidi.
Reste la question du coût des crèches: avec des frais annuels allant parfois jusqu’à 1 million de francs CFA (1.524 euros), plus d’une année de salaire minimum en Côte d’Ivoire, elles restent réservées aux plus aisés.
Alors dans les quartiers populaires, on s’arrange comme on peut.
Entre les commerces du marché agité de Cocovico, dans le nord-est d’Abidjan, une garderie modeste accueille depuis 2021 les enfants des vendeuses et des habitants du quartier: une cour étroite, une pièce couverte que parsèment quelques tables basses, des chaises, des jouets et un point d’eau.
Créée par la direction du marché, la garderie doit « aider les femmes à être plus autonomes », affirme sa responsable, Lucie Djama, qui aimerait avoir davantage de matériel, notamment des jeux éducatifs.
Ici, les frais sont moins élevés: 25.000 francs CFA (38 euros) l’inscription, puis 7.000 francs CFA (10 euros) par mois, adaptable en fonction des bourses.
Un soulagement pour Adèle Kouabenan, vendeuse de popcorns, qui fait garder son fils de 3 ans.
« Ça me fait du bien de laisser mon petit ici », dit-elle. « Je peux bouger comme je veux, vendre comme je veux », ajoute-t-elle, se souvenant l’avoir porté sur son dos en travaillant, lorsqu’il était âgé de quelques mois.
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