Dans les années suivant les indépendances de ses anciennes colonies africaines, la France a maintenu des liens étroits, souvent marqués par une influence politique et économique considérable, un phénomène fréquemment qualifié de « Françafrique ». Cette période a été caractérisée par une série d’interactions complexes où la France cherchait à préserver ses intérêts stratégiques, notamment l’accès aux ressources naturelles et la maintenance d’une sphère d’influence géopolitique favorable. Plusieurs pays nouvellement indépendants ont vu leurs politiques intérieures fortement influencées, voire dirigées, par Paris, qui n’hésitait pas à soutenir certains dirigeants jugés favorables à ses intérêts ou à en destituer d’autres.
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De nombreux cas de complots et de déstabilisations orchestrés par la France ont émergé durant cette époque. Par exemple, le premier président du Togo, Sylvanus Olympio, a été renversé et assassiné en 1963 dans un coup d’État impliquant des militaires formés par les Français, après ses tentatives de sortir du franc CFA et de nationaliser des secteurs clés contrôlés par des intérêts français. De même, au Gabon, lorsque Léon Mba, un allié proche de la France, a été menacé par un coup d’État en 1964, la France a rapidement intervenu militairement pour rétablir son gouvernement. Ces interventions montrent clairement comment la France a utilisé sa puissance pour façonner les trajectoires politiques dans ses anciennes colonies mais aussi économiques avec le Franc CFA, souvent au détriment de la souveraineté et de la démocratie locales.
Les relations entre la France et les nouveaux régimes militaires en Afrique subsaharienne révèlent des contradictions marquées entre les déclarations de principes démocratiques et la réalité des actions politiques. Par exemple, avant les récents coups d’État, la France entretenait des relations étroites avec le Mali et le Burkina Faso, caractérisées par une coopération militaire et économique significative. Ces pays faisaient partie intégrante de la stratégie française de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, notamment à travers l’opération Barkhane. Une stratégie qui n’a d’ailleurs pas porté des fruits et très critiquée par les militaires. Cependant, malgré la présence militaire et les aides financières, le sentiment anti-français a grandi, nourri par des perceptions de néocolonialisme et d’ingérence.
Après la chute des pouvoirs pro-France à la suite des coups d’État en 2020 au Mali et en 2022 au Burkina Faso, les relations se sont nettement détériorées. Les nouveaux régimes militaires ont exprimé une volonté forte de réévaluer leur relation avec la France, demandant même le retrait des troupes françaises après des postures jugées anti-africaines. Ces demandes ont été exécutées, marquant un tournant significatif dans les relations bilatérales. Ce changement radical illustre un désir croissant de ces nations de forger des politiques extérieures moins dépendantes des anciennes puissances coloniales, tout en cherchant de nouveaux partenariats stratégiques, notamment avec la Russie et d’autres acteurs non occidentaux.
Au Niger, la réaction de la France au coup d’État qui a renversé Mohamed Bazoum a été très vive, contrastant même avec les postures initiales dans les autres pays, avec des critiques sévères et des menaces d’intervention. Cependant, malgré cette posture ferme, la France a finalement été contrainte de voir ses forces expulsées, ce qui illustre un échec à négocier ses positions malgré les enjeux économiques significatifs, notamment dans le secteur de l’uranium.
Le cas du Tchad montre une approche différente. Après la mort d’Idriss Déby et la prise de pouvoir par son fils Mahamat Idriss Déby, la France n’a pas du tout critiqué ce changement de pouvoir qui n’était clairement pas démocratique. Au lieu de cela, Emmanuel Macron s’est rapidement rendu au Tchad pour marquer son soutien au nouveau leader, révélant ainsi une priorité donnée aux intérêts plutôt que les précédentes prétendues valeurs démocratiques.
Pis, Au Gabon, le général Brice Clotaire Oligui Nguema a bénéficié d’une intégration rapide dans les cercles diplomatiques après son coup d’État, recevant un accueil chaleureux à l’Élysée tout récemment. Pour les détracteurs de la France qu’il est difficile de contredire sur ce dossier, cela indique une continuité dans la politique française de favoriser des régimes qui soutiennent ses intérêts économiques et stratégiques, en dépit des principes démocratiques souvent mis en avant par Paris.
La politique française en Afrique montre une réelle disposition à adapter ses principes démocratiques en fonction de ses intérêts stratégiques et économiques. Les actions récentes de la France, de sa virulente réaction au Niger, à son soutien au régime tchadien et à son accueil du leader gabonais, montrent clairement que les intérêts nationaux priment souvent sur les valeurs démocratiques et même au-delà, les intérêts desdits peuples. Avec l’accessibilité accrue à l’information via internet, de plus en plus d’Africains expriment leur scepticisme et leur critique face à cette politique, mettant en doute la sincérité et la légitimité de l’engagement français sur le continent, perçu comme un vestige de l’époque coloniale adapté aux réalités modernes.
Jean-Paul Fatinou (Contribution)